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Dans quels cas puis-je être fiché par la police ?

Question numéro 403 du Manuel, Chapitre 14 : Le fichage policier

lundi 29 juin 2015

Les policiers peuvent récolter et conserver des informations qui me concernent, y compris des données privées et personnelles, uniquement si ces informations [1] :

  1. ont un “intérêt concret” pour une mission policière administrative (par exemple, le maintien de l’ordre) [2] ou judiciaire (par exemple, une enquête en cours) ;
  2. sont exactes [3] ;
  3. sont pertinentes et adéquates, en “lien direct avec la finalité du fichier” et se limitent aux exigences qui en découlent [4].

Il est impossible de prévoir toutes les situations qui peuvent amener la police à me ficher. Je peux notamment être fiché si :

  • j’ai un casier judiciaire suite à une condamnation (n°412) ;
  • je suis en liberté conditionnelle ou évadé de prison [5] ;
  • je suis recherché, par exemple parce que je n’ai pas renouvelé ma carte d’identité, je suis en cavale ou qu’un juge veut m’arrêter (n°148, 153) ou me forcer à témoigner (n°147) ;
  • j’ai été victime ou témoin d’un délit ;
  • je suis signalé comme personne disparue, par exemple parce que j’ai fugué ;
  • j’ai commis un hold-up dans une banque ;
  • je planifie le braquage d’une pharmacie ;
  • je prévois d’attaquer des supporters du Standard lors du match retour à Anderlecht ;
  • j’organise une manifestation contre un sommet européen [6].

La police peut aussi ficher des “groupements” (par exemple, des groupes considérés comme terroristes [7], des “noyaux durs” de supporters de football [8]) et des “événements” (par exemple, certains rassemblements de bikers, le match Standard-Anderlecht, des manifestations à risques, des concerts de groupes rock néo-nazis, le pèlerinage de l’Yser...).

On ne fiche en principe pas les faits routiniers comme les feux de cheminée, les différends familiaux, le vandalisme dans des cabines téléphoniques publiques [9] ou un simple excès de vitesse (mais je pourrai être fiché si je commets un délit de fuite [10]). Par contre, les tags et les œuvres des graffeurs sont souvent repris dans des albums policiers, qui feront payer la facture aux “artistes” délinquants qui se font prendre (par exemple, 57.500 euros pour deux tags) [11].

Q 14-403 : Dans quels cas puis-je être fiché par la police ?
Mathieu Beys

[1LFP 44/1.

[2La police fédérale conserve des “Dossiers d’information en matière de police administrative” concernant 354 groupements et 18.801 personnes en 2011 (Police fédérale, Rapport annuel 2011, p. 50).

[3LFP 44/2 ; LVP 4 § 1 er , 4°.

[4LFP 44/2 ; LVP 4 § 1 er , 3°

[5Les conditions liées à la liberté conditionnelle seront enregistrées dans la BNG, y compris les noms des personnes que le condamné ne peut pas contacter (COL 11/2013, 7 juin 2013, p. 33).

[6Ces quatre derniers exemples sont donnés par la directive commune MFO-3 du 14 juin 2002 des ministres de la Justice et de l’Intérieur relative à la gestion de l’information de police judiciaire et de police administrative.

[7La liste du Conseil de l’UE contient 26 organisations considérées comme terroristes (Règlement d’exécution (UE) n°714/2013 du Conseil du 25 juillet 2013 mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n°2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme).

[8Loi du 21 décembre 1998 relative à la sécurité lors des matches de football ; Circulaire ministérielle OOP 38 du 24 octobre 2002 relative au déploiement efficace des services d’ordre lors de matches de football et relative à la gestion d’informations et aux missions des spotters. Le spotter est “un policier homme ou femme qui, par sa connaissance professionnelle spécialisée de l’identité des supporters à risques, ainsi que par sa connaissance des tactiques et stratégies de ces derniers, apporte d’une part un soutien tactique et opérationnel dans le domaine du maintien de l’ordre public lors des matches de football et d’autre part, dirige ou appuie les enquêtes judiciaires et/ou administratives qui peuvent en découler”.

[9Le Manuel de la fonction de police, p. 499 ; LFP 41/4 al. 4 prévoit que les ministres de l’Intérieur et de la Justice, chacun dans le cadre de ses compétences, déterminent, sur avis conforme de l’organe de contrôle spécifique, les catégories d’informations et de données qui n’exigent pas une transmission à la BNG. A ma connaissance, aucune liste publique de ces éléments n’existe au moment où j’écris ces lignes. Ces règles seront prochainement modifiées par un projet de loi voté par le Parlement en février 2014 (Doc. Parl. Sénat, n° 5-2366), voir www.quelsdroitsfacealapolice.be/.

[10Valérie KAISER, “La Banque de données nationale générale et le droit d’accès indirect du citoyen aux données à caractère personnel qu’elle contient”, Revue du droit des technologies et de l’information, n° 43, note 38, www.rdti.be/

[11La police de Bruxelles-Ixelles dispose d’un “team graffiti” spécialement chargé de cette tâche (“Balade nocturne au pays des tags et des graffiti”, Inforevue, magazine de la police intégrée, mars 2009)