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Un policier peut-il directement me plaquer au sol pour prendre ma carte d’identité ?

Question numéro 103 du Manuel, Chapitre 4 : L’usage de la force par la police

dimanche 28 juin 2015

NON, dans ce cas, la deuxième condition n’est pas remplie. Même à supposer que l’objectif poursuivi est légitime (par exemple un contrôle d’identité), la police ne peut utiliser la force que s’il n’y a pas d’autre moyen pour atteindre cet objectif [1]. La contrainte est l’ultime recours et ne peut être employée que si d’autres moyens ont échoué ou ne sont pas envisageables pour atteindre l’objectif légitime. Dans la formation qu’ils ont suivie pour le devenir, les policiers gradés ont en principe appris à « désamorcer et faire désamorcer judicieusement une situation potentiellement violente », notamment en recourant à la négociation et à la communication » [2]. Dans l’exemple cité, le policier doit d’abord me demander ma carte d’identité avant d’envisager la violence. Tant qu’il est possible de régler le problème en douceur (dialogue, persuasion...), la force reste interdite. Si la force est utilisée en premier lieu sans envisager d’autres moyens, elle est illégale et il ne faut même pas examiner les autres conditions.

Par exemple, en cas de dispersion de manifestation pour raisons légitimes, les policiers doivent d’abord demander aux personnes de quitter les lieux et leur laisser suffisamment de temps avant d’actionner les arroseuses et de charger (n° 43, 48).
Les actions suivantes devraient être considérées comme abusives parce que non nécessaires :

  • m’arrêter en vue de m’empêcher de prendre part à une manifestation non autorisée sans m’avoir laissé l’occasion de partir librement en l’absence d’incidents ;
  • me faire un croche-pied ou un balayage pour vérifier le contenu de mon sac à dos sans me l’avoir demandé auparavant si rien n’indique que je présente un danger pour leur sécurité ;
  • m’asperger avec une autopompe ou des gaz lacrymogènes ou me donner des coups de matraques sans m’avoir demandé auparavant de quitter les lieux en cas de dispersion légale d’une manifestation ;
  • me donner des coups de matraque parce que je n’arrête pas de tambouriner à la porte de ma cellule (alors que des menottes auraient suffi à m’en empêcher) [3].
Q 4-103 : Un policier peut-il directement me plaquer au sol pour prendre ma carte d’identité ?
Mathieu Beys

[1Il s’agit du principe de nécessité ou de subsidiarité (LFP 37 ; Le Manuel de la fonction de police, Politeia, 2010, p. 442)

[2Programme de formation du cadre moyen, annexe 10 à l’AM du 17 décembre 2008 (MB, 29 janvier 2009, p. 6709). Dans le programme de formation des inspecteurs de police (les plus nombreux), on trouve des traces de négociations et médiation mais l’apprentissage de techniques de désamorçage n’apparaît pas explicitement (MB, 29 janvier 2009, pp. 6630-6631)

[3CEDH, Antipenkov c. Russie, 15 octobre 2009, § 55-61